La foi sans la reconnaissance est morte

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Que nous apprend vraiment l’épisode étonnant de la guérison des dix lépreux en Luc 17.12-19?

La formule « la foi sans les œuvres est morte », de la plume de Jacques (Jc 2.26), est fort commode: elle indique que la véritable foi, celle qui sauve, s’accompagne nécessairement d’œuvres (au sens large du terme). Autrement dit, la vraie foi porte du fruit. Comme le disaient les réformateurs: « Nous sommes sauvés par la foi seule, mais non par une foi qui est seule. » Mais quelles œuvres la foi authentique produit-elle?

Le principe énoncé par Jacques n’intervient pas uniquement dans l’épître rédigée par ce dernier. Il est utile de se demander avec quels mots les autres écrivains du Nouveau Testament disent la même chose. On constate alors que cet enseignement trouve son origine dans les dires de Jésus lui-même.

Considérons un exemple dans l’Évangile selon Luc: l’épisode de la guérison des dix lépreux (Lc 17.12-19).

L’histoire est bien connue. Dix lépreux viennent à la rencontre de Jésus. Ils s’écrient tous: « Jésus, maître, aie pitié de nous! » Jésus leur demande alors d’aller se montrer aux prêtres. Sur la route, les dix hommes sont miraculeusement guéris.

À ce moment, l’un des dix lépreux se distingue des autres:

L’un d’eux, se voyant guéri, revint sur ses pas en rendant gloire à Dieu à haute voix. Il tomba le visage contre terre aux pieds de Jésus et le remercia. C’était un Samaritain. – Lc 17.15-16

Jésus prend alors la parole:

Les dix n’ont-ils pas été guéris? Et les neuf autres, où sont-ils? Ne s’est-il trouvé que cet étranger pour revenir et rendre gloire à Dieu? – Lc 17.17-18

Le texte se termine par cette déclaration de Jésus adressée au lépreux guéri:

Lève-toi, vas-y, ta foi t’a sauvé. – Lc 17.19

Le verbe grec traduit par « sauvé » peut signifier aussi bien « guéri » que « sauvé », selon le contexte. Ici, il est clairement question d’un salut qui dépasse la simple guérison physique, car:

  • La réaction du Samaritain prouve qu’un changement intérieur s’est produit en lui.
  • Il n’est pas anodin qu’un Samaritain soit cité en exemple ici: ce texte s’inscrit dans une réflexion plus large, en Luc-Actes, sur la composition de l’Église (je ne peux m’attarder ici sur ce vaste sujet).
  • Ce texte entre en résonance avec d’autres passages du même Évangile dans lesquels il est clairement question d’un salut au sens spirituel.
  • Pour illustrer le point précédent, nombreux sont les parallèles entre notre texte et l’épisode de la guérison de l’aveugle de Jéricho (Lc 18.35-43); or, dans ce passage, l’aveugle guéri, à qui Jésus dit aussi « ta foi t’a sauvé », se met à « suivre Jésus », ce qui suggère qu’il devient son disciple (Lc 18.43).
  • Les neuf autres lépreux, pourtant guéris, ne semblent pas bénéficier de ce « salut » (il s’agit d’un argument tiré du silence, mais qui doit néanmoins être pris en compte).
  • Quand, dans ce même texte, il est question de la guérison physique des dix hommes, Luc emploie deux autres termes grecs (Lc 17.14-15,17). Cet argument n’est pas décisif en soi, mais adjoint aux observations qui précèdent, il a son importance.

J’en arrive au cœur de mon propos.

Qu’est-ce qui caractérise ce Samaritain qui, en plus d’être « guéri » (comme les neuf autres lépreux), est « sauvé »?

Ceci:

  • Il rend gloire à Dieu à haute voix (Lc 17.15).
  • Il tombe le visage contre terre aux pieds de Jésus et le remercie (Lc 17.16).

La réaction de Jésus laisse entendre que les neuf autres auraient dû réagir de la même manière (Lc 17.17-18).

Dès lors, le lecteur comprend que, parmi les dix hommes guéris, seul le Samaritain possède la foi qui sauve (« ta foi t’a sauvé »). Les neuf autres hommes, s’ils ont manifesté une certaine foi/confiance dans la puissance miraculeuse de Jésus (puisqu’ils ont aussi imploré sa pitié), ont révélé par après le caractère superficiel de leur « foi » en n’exprimant pas leur gratitude envers Dieu et Jésus. Leur relative confiance n’est donc pas la foi qui « sauve ».

Tout cela ne signifie pas que nous sommes sauvés par « la foi + la reconnaissance », ou que nous devons nous montrer suffisamment reconnaissants pour prétendre mériter le salut. Notre texte enseigne plutôt que la foi qui sauve mène inévitablement à la reconnaissance envers Dieu.

Notre gratitude envers Dieu et Jésus est une preuve, une démonstration visible (et « audible »!) de la réalité de notre salut.

Un « chrétien ingrat », c’est donc un oxymore (les deux termes de l’expression sont contradictoires).

Ne perdons aucune occasion, aujourd’hui même, de rendre gloire à Dieu et de remercier Jésus pour le merveilleux salut qu’il a bien voulu nous accorder!

P.S. J’avais publié cet article le 12 septembre 2017. Je l’ai republié en 2020, puis le 13 juin 2022 avec l’espoir qu’il profite à de nouveaux lecteurs.

Pour aller plus loin:

Dominique Angers

Doyen de la Faculté de Théologie Évangélique à Montréal (Université Acadia), Dominique Angers y est aussi professeur de Nouveau Testament et de prédication. Docteur en théologie de l’Université de Strasbourg, il s’exprime régulièrement sur son podcast vidéo d’enseignement biblique, “Parle-moi maintenant”. Il est l’auteur du livre La méditation biblique à l’ère du numérique et du Commentaire biblique Parle-moi maintenant par Éphésiens. Son prochain commentaire, Parle-moi maintenant par Marc, paraîtra chez BLF.

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