On pourrait dire que le thème de la royauté est le thème central de l'histoire de la Bible, celui sans lequel les autres ne peuvent tout simplement pas être cohérents.
L'importance de la royauté apparaît même dans l'appellation la plus courante donnée à Jésus dans le Nouveau Testament: il est Jésus-Christ, ce qui n'est pas son nom de famille (contrairement à ce que l'on croit trop souvent!), mais plutôt son titre. "Christ" étant la traduction grecque du mot hébreu "Messie", qui signifiait à l'origine "oint" et pouvait s'appliquer à toute personne ointe d'huile, mais qui a fini par désigner l'oint le plus central de tous: le roi.
Ainsi, "Jésus-Christ" signifie "Jésus-Roi". C'est en lui que culmine le thème de la royauté, telle une couronne étincelante sur le front divin du Roi des rois.
Mais tout commence, bien entendu, en Éden. Dans Genèse 1.26-28, Dieu déclare qu'il va créer des êtres humains à son image et à sa ressemblance. Ces deux mots sont de nature conventionnelle, la ressemblance faisant référence à une relation père-fils entre Dieu et les humains, et l'image faisant référence au droit et à la responsabilité de l'humanité (en vertu de cette relation père-fils) de régner sur la création sous l'autorité de Dieu.
Cette responsabilité est explicitée au verset 26, lorsque Dieu dit:
Qu'ils dominent sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.
Genèse 1.26
Puis au verset 28, où il réitère la même idée: Dieu leur dit:
Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et soumettez-la; dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les êtres vivants qui se meuvent sur la terre.
Genèse 1.28
Le mot "domination" dans ces versets est exactement ce qu'il semble être. En tant que seul être créé à la ressemblance et à l'image de Dieu, Adam (et Ève le rejoindra bientôt) a pour mission de régner sur la création – en commençant par l'Éden, mais en s'étendant ensuite jusqu'à ce que le monde entier soit "soumis" à son autorité, et donc à celle de Dieu.
L'œuvre de Dieu en Eden était magnifique. Il établissait une structure d'autorité dans laquelle Adam et Ève régnaient sur le reste de la création. Adam exerçait son leadership dans sa relation avec Ève. Enfin, le Créateur lui-même, le Seigneur, le grand Roi de l'univers, régnait sur tout cela dans la plus grande splendeur. Il est important de voir ici que, bien que Dieu ait donné à Adam et Ève la "domination" sur la création, leur domination n'était pas ultime.
Si Dieu est le Grand Roi, ils n'étaient que ses vice-régents. Leur autorité et leur domination étaient dérivées, secondaires et donc limitées. C'est la signification de l'arbre que Dieu a placé au milieu du jardin et la raison pour laquelle il a dit à Adam et à Ève qu'ils ne pouvaient pas manger de son fruit. Il leur rappelait ainsi qu'il existait une couronne plus élevée que la leur, un chef plus grand qui pouvait les gouverner et les limiter. Cet arbre, appelé dans Genèse 2 "l'arbre de la connaissance du bien et du mal", avait également un autre but. Les instructions que Dieu a données à Adam lorsqu'il l'a placé en Éden étaient de "l'abad" et de le "shamar", c'est-à-dire le "travailler" et le "garder".
Le mot "shamar" (garder) est essentiel pour comprendre la position royale et la responsabilité d'Adam dans le jardin. En tant que roi du jardin, il devait le protéger, empêcher tout ce qui était impur ou mauvais d'y pénétrer et, si cela se produisait, juger le mal et le chasser. En plus de lui rappeler les limites de son autorité, l'arbre de la connaissance du bien et du mal rappelait aussi à Adam sa responsabilité de le garder et de le protéger du mal.
"Connaître le bien et le mal", discerner la différence et juger était une manière courante de décrire la responsabilité d'un roi. En 2 Samuel 14.17, par exemple, une femme de la ville de Tekoa vient demander de l'aide à David et explique pourquoi elle est venue:
Ta servante a dit: Que la parole de mon seigneur le roi me donne le repos. Car mon seigneur le roi est comme un ange de Dieu, prêt à entendre le bien et le mal. Et que l'Éternel, ton Dieu, soit avec toi!
2 Samuel 14.17
De même, en 1 Rois 3.9, lorsque Salomon s'apprête à assumer les charges de la royauté, il prie:
Accorde donc à ton serviteur un coeur intelligent pour juger ton peuple, pour discerner le bien du mal! Car qui pourrait juger ton peuple, ce peuple si nombreux?
1 Rois 3.9
Cela signifie donc que l'arbre de la connaissance du bien et du mal n'était pas une plante magique qui aurait rendu une personne omnisciente. C'était plutôt quelque chose comme "l'arbre où l'on discernait le bien et le mal". C'était le tribunal du roi Adam.
Lorsque Satan vient à Adam et Ève, ce n'est donc pas une coïncidence s’il le fait alors qu'ils sont justement assis sous cet arbre. C'est le moment pour Adam et Ève d'exercer leur royauté – de reconnaître le mal que représente le serpent, de le juger et de le chasser du jardin.
Loin de faire cela, Adam et Ève ont suivi l'exemple du serpent en déformant leur jugement et leur discernement, à tel point qu'ils ont jugé que Dieu était le méchant, qu’il avait tort, et ils ont rejoint le serpent dans sa rébellion.
En fait, en mangeant le fruit que Dieu leur avait interdit de manger, Adam et Ève ont déclaré qu'ils ne voulaient pas de son autorité sur eux. Ils ont regardé le grand roi et lui ont dit, en actes ou en paroles: "Tu ne nous gouverneras pas. Nous prendrons la couronne pour nous-mêmes." Par cette action, Adam a failli de façon totale et catastrophique à sa responsabilité de roi, et lorsqu'il est tombé, il a entraîné toute l'humanité dans sa chute.
Les conséquences de l'adhésion d'Adam à la rébellion du serpent contre le ciel ont été cataclysmiques. Le Seigneur les a trouvés cachés, honteux, dans le jardin, et a prononcé des malédictions contre tous les trois: le serpent, l'homme et la femme.
La vie sur terre n’était plus un paradis pour eux, mais une existence dure et frustrante. Pire encore, leur relation avec Dieu a été rompue. La mort physique est venue plus tard, mais, spirituellement parlant, ils ont été immédiatement coupés de la vie qui ne peut venir que de la présence du Dieu de l'alliance. Dieu chassa alors Adam et Ève du jardin et plaça à l'entrée de celui-ci un ange chargé de "garder" (shamar) le chemin vers l'arbre de vie (Gn 3.24).
Ressentez-vous l'ironie amère dans l'utilisation de ce mot particulier? "Shamar" le jardin était la tâche d'Adam, mais il n'avait pas réussi à l’accomplir. Donc, si le vice-roi ne voulait pas garder le jardin, Dieu le ferait lui-même.
Alors qu'Adam et Ève s'éloignent du jardin en titubant, l'épée flamboyante de l'ange gardien brandie derrière eux, tout semble perdu. Mais ce n'est pas le cas. Au milieu du cataclysme, presque enterré dans l'avalanche de malédictions déversées sur Adam, Ève, et le serpent, Dieu a également fait une promesse.
Consignée dans Genèse 3.15, c'est l'une des phrases les plus importantes de la Bible. S'adressant au serpent, il lui dit:
Je mettrai l’hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance; celle-ci t'écrasera la tête et tu lui blesseras le talon.
Genèse 3.15
En d'autres termes, Dieu promet à Satan qu'il n'a pas gagné. Bien que Satan ait convaincu Adam de se joindre à sa rébellion, un jour, Dieu enverra quelqu'un d'autre, un descendant de la femme, pour faire ce qu'Adam aurait dû faire: écraser la tête du serpent.
Le mot "roi" n'est pas utilisé ici, mais il est clair que le rôle même de ce "descendant de la femme" sera d'exercer la domination royale qu'Adam n'a pas su exercer. Il ramassera l'épée qu'Adam a laissée tomber, tuera l'ennemi auquel Adam s'est allié, et gagnera la bataille qu'Adam a perdue. En d'autres termes, il sera le roi qu'Adam n'a pas su être.
À partir de ce moment, les gens ont commencé à se demander qui serait ce Roi-Sauveur promis, et à quel moment il devait venir. C’est devenu un thème essentiel de l’histoire biblique.
La question récurrente devient alors: "Lequel des descendants d'Ève remettra les choses en ordre? Serait-ce Caïn? –Non, apparemment pas. Lamech? –Absolument pas. Noé? Son père semblait le penser, se réjouissant de sa naissance:
Du sol que l'Éternel a maudit, celui-ci nous soulagera de notre travail et du pénible labeur de nos mains.
Genèse 5.29
Bien sûr, il n'en fut rien. Dieu a tout recommencé avec Noé, mais les effets du péché ont persisté, et la promesse de Genèse 3.15 est restée lettre morte.
Cependant, ce qui est frappant dans tout cela, c'est que l'espoir de Genèse 3.15 n'est pas seulement la venue d'un roi, mais d'un roi qui renverserait la mort et la malédiction. La manière exacte dont il va s'y prendre est encore floue, mais même à ce stade précoce de l'histoire, la bonne nouvelle proclamée dans la Genèse n'est pas uniquement la venue d'un roi. C'est que l'arrivée du roi sera synonyme de salut. Elle signifie la fin de la malédiction et le renversement de la mort et de la séparation d'avec Dieu qui résultent du péché. C'est ce que fait le roi. Il sauve.
webinaire
Comment prêcher Christ à partir de l’Ancien Testament?
Ce replay du webinaire Dominique Angers a été enregistré le 20 novembre 2019.
Orateurs
D. Angers