Le baptême de Jésus est "embarrassant", donc assurément authentique!

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Pour les chrétiens, il n’est pas toujours facile d’expliquer pourquoi Jésus s’est fait baptiser par Jean-Baptiste. Or ce « problème » associé au baptême de Jésus a une heureuse conséquence…

Le « problème »

Le problème se pose ainsi: si Jean-Baptiste a proposé un baptême de repentance associé au pardon des péchés (Marc 1.4), en quoi Jésus –considéré sans péché, du moins par ses disciples– était-il concerné par ce rite (à titre personnel)?

Marc ne fournit ni explication ni nuance:

Or, en ce temps-là, Jésus vint de Nazareth, un village de Galilée. Il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. (Marc 1.9)

Matthieu et Luc, qui retravaillent sans doute le texte de Marc, paraissent ressentir la tension évoquée dans ce billet; aussi ajoutent-ils des précisions intéressantes.

Luc est le plus sobre des deux. Il semble appuyer sur une espèce de « solidarité » entre Jésus et l’ensemble du peuple (d’Israël; « tout le peuple »), qui n’était que subtilement suggérée par la séquence de Marc (Marc 1.9 est à mettre en relation avec Marc 1.5):

Tout le peuple venait se faire baptiser, et Jésus fut aussi baptisé. (Luc 3.21a)

Matthieu, lui, prend le taureau par les cornes en rapportant carrément l’hésitation de Jean-Baptiste devant Jésus voulant se faire baptiser par lui:

13 C’est à cette époque que parut Jésus. Il se rendit de la Galilée au Jourdain, auprès de Jean, pour être baptisé par lui. 14 Mais Jean essaya de l’en dissuader. Il lui disait: C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi!

15 Jésus lui répondit: Accepte, pour le moment, qu’il en soit ainsi! Car c’est de cette manière qu’il nous convient d’accomplir tout ce que Dieu considère comme juste.

Là-dessus, Jean accepta de le baptiser. (Matthieu 3.13-15)

Quant à Jean (l’auteur du quatrième évangile), il ne mentionne même pas le baptême de Jésus par Jean-Baptiste. Il se contente de mettre en valeur un événement qui lui est invariablement rattaché dans les autres évangiles (car il se produit dans la foulée du baptême de Jésus), la descente de l’Esprit sur Jésus:

32 Jean-Baptiste rendit ce témoignage: J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et se poser sur lui. 33 Je ne savais pas que c’était lui, mais Dieu, qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, m’avait dit: Tu verras l’Esprit descendre et se poser sur un homme; c’est lui qui baptisera dans le Saint-Esprit. 34 Or, cela, je l’ai vu de mes yeux, et je l’atteste solennellement: cet homme est le Fils de Dieu. (Jean 1.32-34)

On peut dire que les évangélistes, à l’exception de Marc, ont anticipé le malaise de certains lecteurs chrétiens devant la scène du baptême de Jésus et qu’ils ont en conséquence fourni des détails qui orientent vers une juste compréhension de cet événement singulier.

L’heureuse conséquence

Or le malaise provoqué par le baptême de Jésus débouche sur un jugement quasiment universellement accepté par les spécialistes des évangiles, quelles que soient par ailleurs leurs convictions théologiques: le baptême de Jésus n’a tout simplement pas pu être « inventé » par l’Église primitive ni par les écrivains des évangiles. En effet, pour les tenants de la perfection morale du Jésus historique, une telle « création » équivaudrait à se tirer une balle dans le pied – ou, du moins, elle exigerait l’élaboration d’explications et de justifications potentiellement complexes.

Voilà un argument historique de poids – parmi de nombreux autres – pour répondre aux personnes (souvent bien intentionnées, mais mal informées) qui allèguent que les évangiles ne sont pas fiables sur le plan historique – notamment parce qu’ils ont été écrits par des disciples de Jésus qui, pense-t-on, étaient absolument incapables de présenter les faits de façon objective.

En réalité, les évangélistes n’ont rien inventé. Comme le laisse entendre l’exemple traité ici, ils n’ont pas cherché à « évacuer » les aspects potentiellement « embarrassants » de l’histoire de Jésus. Une telle honnêteté intellectuelle fait d’eux des historiens fiables.

Un problème insoluble?

Au fait, pourquoi Jésus s’est-il fait baptiser? Car le malaise demeure peut-être chez certains lecteurs de ce blog…

Des éléments de réponse sont fournis dans cette vidéo (il ne s’agit toutefois que d’un point de départ, qui sera éclairé par la suite du récit de Marc présentée dans les épisodes ultérieurs du podcast « Parle-moi maintenant »):

Pour aller plus loin

Parmi les exégètes qui développent le point de vue résumé dans ce billet figurent:

  • C.E.B. Cranfield, The Gospel According to Saint Mark. An Introduction and Commentary, Cambridge, Cambridge University Press (The Cambridge Greek Testament Commentary), 1959, p. 51.
  • W. Schmithals, Das Evangelium nach Markus, Gütersloh, Mohn (Ökumenischer Taschenbuchkommentar zum Neuen Testament), 1979, tome 1, p. 82.
  • Robert H. Stein, Mark, Grand Rapids, Baker Academic (BECNT), 2008, p. 55-56.

Voir aussi mes billets:

Dominique Angers

Doyen de la Faculté de Théologie Évangélique à Montréal (Université Acadia), Dominique Angers y est aussi professeur de Nouveau Testament et de prédication. Docteur en théologie de l’Université de Strasbourg, il s’exprime régulièrement sur son podcast vidéo d’enseignement biblique, “Parle-moi maintenant”. Il est l’auteur du livre La méditation biblique à l’ère du numérique et du Commentaire biblique Parle-moi maintenant par Éphésiens. Son prochain commentaire, Parle-moi maintenant par Marc, paraîtra chez BLF.

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Orateurs

F. Varak