Le plus beau mot de la langue française d’après Bernard Pivot

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Invité lors d’une émission spéciale langue française de La grande librairie pour parler de son ouvrage, Au secours! Les mots m’ont mangé, Bernard Pivot a dû répondre à une question qu’il a lui-même posée à de nombreuses personnalités au cours de sa carrière: quel est le plus beau mot de la langue de Molière?

Pour celui qui, dans son livre, fait une folle déclaration d’amour à la langue française, cela ne fait aucun doute: le plus beau terme dont dispose notre langue est « aujourd’hui ». Mais pourquoi donc? Et en quoi est-ce intéressant pour les lecteurs de la Bible?

Bernard Pivot raffole du terme « aujourd’hui » parce qu’il s’agit du mot de prédilection des journalistes (dont il est), qui puisent la substance de leurs articles dans l’actualité. Sans arrêt, ils annoncent au monde ce qu’il faut savoir « aujourd’hui ». Si ce mot est si beau, c’est parce qu’il sent le café et le pain grillé du matin. Sourire en coin, Pivot ne peut s’empêcher de relever également que, sur le plan esthétique, ce mot contient une jolie apostrophe. (Rappel: Pivot a animé à la télévision le magazine littéraire Apostrophes de 1975 à 1990.)

« Mais ce mot n’est-il pas un brin éphémère? » lui lance l’animateur François Busnel, un peu sceptique. Pas du tout! D’un air triomphant, Bernard Pivot rétorque que, bien au contraire, c’est un mot qui se renouvelle sans arrêt! En effet, « chaque matin est un nouvel aujourd’hui ».

Et Pivot de conclure: « C’est un très très beau mot, je n’en vois pas de meilleur. »

Pourquoi le choix du plus beau mot de la langue française par Bernard Pivot est-il suggestif pour les lecteurs de la Bible? Tout simplement parce qu’il s’agit également d’un mot clé dans la Bible.

Je vais devoir faire preuve de modération dans les lignes qui suivent, car j’ai consacré ma thèse de doctorat, publiée chez De Gruyter, à l’usage du mot « aujourd’hui » dans le Nouveau Testament! Je vais donc me contenter de rebondir très brièvement, avec ma casquette de bibliste, sur les raisons qui poussent Bernard Pivot à affectionner ce terme.

1. L’aujourd’hui de l’annonce de la Bonne Nouvelle

Pour Pivot, « aujourd’hui » est le mot des journalistes, qui annoncent les nouvelles du jour. Eh bien, « aujourd’hui » est également le mot des proclamateurs de la Bonne Nouvelle. Si la Loi de Moïse est donnée « aujourd’hui » au peuple dans le Deutéronome (à des dizaines de reprises), c’est l’Évangile (qui signifie « bonne nouvelle ») qui, dans le Nouveau Testament, est transmis « aujourd’hui ».

Un exemple? Luc 2.10-11, où l’ange déclare aux bergers:

(…) je vous annonce une bonne nouvelle (…): aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur qui est le Messie, le Seigneur.

Dans la mesure où la Bonne Nouvelle est non seulement « bonne », mais également « nouvelle », il est naturel qu’elle soit proclamée « aujourd’hui ».

Cela fait de l’aujourd’hui biblique non seulement un beau mot, mais aussi un mot qui émerveille, qui interpelle et qui appelle. Quand nous entendons la Bonne Nouvelle de Jésus « aujourd’hui », nous avons la responsabilité de répondre « aujourd’hui » à cette nouvelle, c’est-à-dire de la recevoir avec foi et reconnaissance. Car cette Bonne Nouvelle a la capacité de réorienter le cours de notre existence, ce qui la distingue radicalement des autres nouvelles du jour.

2. Un aujourd’hui qui se renouvelle sans cesse

Bernard Pivot relève que chaque matin est un nouvel aujourd’hui, ce qui confère au terme retenu une beauté et une actualité permanentes.

L’auteur de l’épître aux Hébreux en dit autant!

Faites attention, frères et sœurs: qu’aucun de vous n’ait un cœur mauvais et incrédule qui le détourne du Dieu vivant. Au contraire, encouragez-vous les uns les autres chaque jour, aussi longtemps qu’on peut dire: « Aujourd’hui », afin qu’aucun de vous ne s’endurcisse, trompé par le péché. (Hébreux 3.12-13)

L’aujourd’hui qui se renouvelle chaque jour est donc non seulement un aujourd’hui de l’annonce de la Bonne Nouvelle, mais également un aujourd’hui de l’encouragement mutuel quotidien des chrétiens à accueillir favorablement la parole du Dieu vivant.

Or, l’occasion à saisir que met en avant l’aujourd’hui biblique aura une fin (« aussi longtemps… »): il importe donc de réagir rapidement, dès aujourd’hui, dès maintenant.

En bref, un aujourd’hui biblique plus que « beau »

Si l’« aujourd’hui » de la langue française est effectivement magnifique (je ne peux que donner raison à Bernard Pivot), l’« aujourd’hui » de la Bible est à la fois beau et responsabilisant.

Il est beau parce qu’il accompagne l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus. C’est l’aujourd’hui de la proclamation du plus beau message qui soit.

Il est responsabilisant parce qu’il appelle chacun à prendre une décision dès ce jour: soit on accepte le message de l’Évangile, soit on le refuse. L’ignorer revient à le rejeter.

De quoi sera fait votre « aujourd’hui »? Le plus sage, c’est d’adjoindre la foi à la beauté du mot.

Pour poursuivre la réflexion sur l’« aujourd’hui » biblique

N.B. J’avais publié cet article le 19 avril 2016. Je l’ai republié pour de nouveaux lecteurs le 1er novembre 2021.

Dominique Angers

Doyen de la Faculté de Théologie Évangélique à Montréal (Université Acadia), Dominique Angers y est aussi professeur de Nouveau Testament et de prédication. Docteur en théologie de l’Université de Strasbourg, il s’exprime régulièrement sur son podcast vidéo d’enseignement biblique, “Parle-moi maintenant”. Il est l’auteur du livre La méditation biblique à l’ère du numérique et du Commentaire biblique Parle-moi maintenant par Éphésiens. Son prochain commentaire, Parle-moi maintenant par Marc, paraîtra chez BLF.

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