Foyer ou fiche de paie: faut-il choisir?

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Très tôt dans ma vie chrétienne, on m'a enseigné, à partir de Tite 2, que les épouses et les mères chrétiennes ne devaient pas travailler à l'extérieur de la maison. J'ai même transmis cet enseignement à d'autres. Cependant, au cours des dernières années, j'ai commencé à étudier plus en détail ce que les Écritures disent à ce sujet. Ce faisant, j'ai découvert que ce point de vue faisait peser sur les femmes un lourd fardeau que la Bible n'impose pas.

Tite 2.5 dit que les femmes doivent "être discrètes, chastes, maîtresses de maison, bonnes, obéissantes à leurs maris, afin que la parole de Dieu ne soit pas blasphémée". Bien que ce verset soit souvent interprété comme signifiant que les femmes ne sont pas autorisées à travailler en dehors de la maison, je pense qu'il existe plusieurs raisons de remettre en question cette lecture.

Les femmes au travail dans le Nouveau Testament

Tout d'abord, si nous considérons le contexte historique et culturel dans lequel Paul écrit, nous nous rendons compte que les femmes de l'Empire romain travaillaient fréquemment en dehors de la maison, en particulier celles qui n'étaient pas riches. De plus, dans le Nouveau Testament, nous trouvons de nombreux exemples de ces femmes:

  1. Priscille: elle fabriquait des tentes avec son mari Aquilas (Ac 18.2-3).
  2. Phoebe: diaconesse de l'Église de Cenchrées, bienfaitrice de Paul, et celle qui délivre l'épître aux Romains (Rm 16.1).
  3. Junie: elle est qualifiée de "remarquable parmi les apôtres", ce qui implique qu'elle participe activement à la diffusion de l'Évangile (Rm 16.7).
  4. Marie-Madeleine: l'une des femmes qui suit Jésus et qui subvient à ses besoins avec ses propres ressources (Lc 8.2).
  5. Jeanne et Suzanne: femmes qui subviennent aux besoins de Jésus et des disciples avec leurs propres ressources (Lc 8.3).
  6. Dorcas: elle confectionne des vêtements pour les veuves de sa communauté (Ac 9. 36-42).
  7. Evodia et Syntiche: Paul les appelle ses "compagnons d'œuvre" dans l'Évangile, ce qui implique qu'ils participent activement à la diffusion de l'Évangile et à l'édification de l'Église (Ph 4.3).

La révolution industrielle change les sociétés

Nous devons également tenir compte de l'évolution du travail manuel. Pendant une grande partie de l'histoire, le travail est principalement effectué à la maison ou dans les champs, et les hommes et les femmes travaillent ensemble dans ces contextes. La révolution industrielle apporte des changements significatifs dans la manière dont les biens sont produits, et elle a un impact profond sur les rôles et les perceptions des femmes. Avec l'essor des usines et de la mécanisation, le travail se déplace de plus en plus hors de la maison, dans des opérations à plus grande échelle, dont le personnel est en grande partie masculin.

C'est ainsi qu'émerge l'idée de sphères séparées, selon laquelle les femmes devraient être confinées à la sphère domestique du foyer. Elles ont pour mission de créer un havre de paix et d'ordre pour leurs maris dans un monde en pleine mutation, tandis que les hommes exercent leur activité dans la sphère publique du travail et de la politique.

Tenir compte des réalités socio-économiques

Un autre facteur à prendre en compte est le statut socio-économique. Dans les familles plus aisées, les femmes peuvent souvent rester à la maison et se concentrer sur les responsabilités domestiques parce que leur mari gagne suffisamment d'argent pour subvenir aux besoins de la famille. En revanche, pour les femmes des familles à faible revenu, travailler à l'extérieur du foyer est une nécessité pour survivre financièrement.

J'ai voyagé ou vécu dans les pays en développement pendant la moitié de ma vie. Ce que j'ai observé des réalités économiques des femmes dans ces pays, c'est que leur contribution au revenu du ménage n'est pas un simple luxe. Elle est essentielle à la survie de la famille. En fait, je connais plusieurs pasteurs sénégalais qui ne pourraient pas exercer leur ministère si leur femme n'était pas le soutien de famille, car peu d'Églises peuvent se permettre de payer à leur pasteur un salaire de subsistance.

Les mains oisives et le retour de Christ

Un autre élément à prendre en considération est le contexte théologique dans lequel s'inscrit le commentaire de Paul dans Tite 2. La communauté chrétienne primitive croyait que le retour du Christ était imminent et que la fin du monde était proche. En conséquence, beaucoup démissionnent pour attendre d'être avec Christ. Paul ne veut rien savoir de tout cela. Il écrit:

Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus.

2Th 3.10

L'argument de Paul dans Tite 2 n'est donc pas que les femmes ne doivent pas travailler en dehors de la maison, mais plutôt que tous les croyants, hommes et femmes, doivent travailler de leurs mains (1Th 4.11), ne pas être oisifs (2Th 3.6) et participer à la moisson jusqu'au retour de Christ.

Parallèles entre les femmes âgées et les anciens

Nous devons donc considérer l'exhortation de Paul aux femmes à la lumière de son discours parallèle aux anciens. Une lecture attentive des épîtres pastorales nous montre les similitudes frappantes entre la liste des vertus féminines de Tite 2 et la liste des qualifications des anciens masculins de 1 Timothée 3. Les femmes sont appelées à s'occuper de leur famille et de leur foyer dans Tite 2, et les anciens doivent faire de même selon 1 Timothée:

Le responsable doit être fidèle à sa femme, bien gérer sa famille et veiller à ce que ses enfants lui obéissent, car si quelqu'un ne sait pas gérer sa propre famille, comment pourrait-il prendre soin de l'Église de Dieu?

1Tm 3.2-5

En outre, Paul confie à l'ancien une responsabilité domestique supplémentaire: celle de pratiquer l'hospitalité, ce que beaucoup perçoivent aujourd'hui comme un appel féminin.

Hommes et femmes, partenaires au foyer

Tous les points que j'ai soulevés jusqu'à présent ne visaient pas à dénigrer la valeur du foyer, mais à l'élever. Dans son livre Finding Place, Jen Pollock Michel réfléchit à l'importance de la sphère domestique, qu'elle considère comme sous-évaluée dans la culture contemporaine. Elle affirme que le travail consistant à créer un foyer et à prendre soin des autres est une tâche vitale et significative qui devrait être respectée et valorisée, plutôt que rejetée comme étant sans importance ou dénuée de sens.

Elle souligne que le dessein de Dieu pour l'épanouissement humain inclut à la fois le travail de création et d'entretien d'un foyer, ainsi que le travail de contribution à la société au sens large par le biais de la vocation et d'autres activités. Elle affirme que les hommes et les femmes sont appelés à utiliser leurs dons et leurs talents au service des autres, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du foyer.

Nous sommes libres en Christ

Cela étant dit, si une famille choisit que le mari soit le soutien de famille et que la femme reste à la maison, c'est formidable! En fait, je me réjouis pour ceux qui ont les moyens de faire ce choix. C'est particulièrement difficile à faire lorsque la culture le dénigre autant. Je connais des épouses et des mères qui se heurtent à une forte opposition parce qu'elles restent à la maison. "Qu'est-ce que tu fais de tes journées? C'est dommage que tu n'aies pas fait quelque chose de ta vie!" Je félicite les familles qui choisissent ce mode de vie. Nous pouvons glorifier Dieu, que nous travaillions à l'extérieur ou que nous soyons mères au foyer. La Bible ne nous impose pas un fardeau dans un sens ou dans l'autre. En Christ, nous sommes libres de faire l'un ou l'autre. Fonder un foyer est une entreprise louable. Ne la dénigrons pas, mais appelons plutôt tout le monde à le faire.

Implications

  1. Lorsque nous reconnaissons que les femmes comme les hommes sont appelés à servir Christ à l'intérieur et à l'extérieur du foyer, nous pouvons mieux encourager nos sœurs à trouver leur place dans l'accomplissement de la mission de Christ dans le monde.
  2. De même, si nous déstigmatisons la sphère domestique pour que les hommes voient qu'ils jouent un rôle essentiel dans la prise en charge du foyer, nous aurons un partenariat plus harmonieux dans les familles. Si les maris et les pères montrent à leurs enfants l'exemple de l'amour et de l'attention qu'ils portent à leur femme en contribuant équitablement aux tâches domestiques, ils montreront à la prochaine génération de croyants comment aimer et servir Christ à l'intérieur et à l'extérieur du foyer.

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Angie Velasquez Thornton

En équipe avec son mari Daniel, Angie a servi le Seigneur au Sénégal pendant 10 ans, dans la formation des leaders. Installés à Montréal avec leurs 2 filles depuis août 2017, ils servent à l'Église Baptiste Évangélique Emmanuel et dans l'AEBEQ. Angie est titulaire d'un MDiv de Moody Theological Seminary. Depuis mai 2021, elle coanime le podcast Chrétienne, avec Aurélie Bricaud. Elle est également Responsable du ministère féminin de SOLA (TGC Québec) et blogueuse sur le site The Gospel Coalition Canada.

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