La femme vertueuse selon Proverbe 31

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Dès le début de ma vie chrétienne, on m’a enseigné que le Proverbe 31 était le texte décrivant le modèle par excellence auquel toute fille pieuse devait aspirer. En tant que jeune femme, la pression pour me conformer à son image était parfois écrasante.

Silencieuse et assujettie, ou forte et courageuse?

Alors que j’étudiais l’hébreu biblique en Israël pendant mes années à la faculté de théologie, j’ai même acheté un beau collier avec un petit pendentif portant l’inscription « eshet chayil » ce que veut dire en hébreu « femme vertueuse ». Mais si on m’en demandait une explication, je répondais: « Ce n’est pas une description de moi-même, mais un but que je poursuis. »

Depuis, six vérités simples concernant ce passage de l’Écriture m’ont permis d’acquérir une nouvelle perspective, que j’ai jugé utile de vous transmettre:

1. Il s’adresse principalement aux jeunes hommes

Dans la tradition juive, le Proverbe 31 n’était pas considéré principalement comme un modèle à suivre par les jeunes femmes, mais plutôt comme un modèle donné aux jeunes hommes qui cherchent une compagne pour la vie. Lorsqu’ils étaient attirés par le charme et la beauté d’une jeune fille, les gars devaient plutôt fixer leur regard sur une candidate qui craignait l’Éternel, tout comme la maman de Lemuel le lui avait appris (Pr 31.1). Les garçons étaient encouragés à mémoriser cette partie de l’Écriture, et non les filles.

2. Il nous parle d’une femme digne de considération

Le terme hébreu chayil, traduit par “vertueuse” dans plusieurs traductions du Proverbe 31, est le même terme traduit ailleurs par vaillant, en référence aux ish gibbor chayil, les hommes de l’armée de David. Et alors que la LSG, la NEG1979 et la Darby traduisent l’expression par femme vertueuse, la SG21 et la Semeur la traduisent par femme de valeur, et la Martin et la traduction de la Jewish Publication Society par une femme vaillante, pour correspondre à son homologue masculin hommes vaillants.

De plus, sa description contient d’autres termes militaires. Lorsque le texte dit de son mari, au v. 11, que « les produits ne lui feront pas défaut », le mot hébreu est pillage, ce qui suggère que « la femme est comme une guerrière qui rapporte le butin de ses victoires ».[1] Et le v. 17 décrit la femme comme « ceignant de force ses reins ». Cette description indique une action héroïque et ardue,[2] avec son parallèle dans le Nouveau Testament en Ép 6.14 en référence à l’armure de Dieu.

Ainsi, bien que nous ne considérions pas souvent une femme pieuse comme une puissante guerrière, la signification de chayil nous donne toutes les raisons de voir la femme du Proverbe 31 comme une personne forte et courageuse, digne de considération!

3. Il ne fait pas seulement allusion aux jeunes femmes mariées

Dans la Bible hébraïque, les livres de l’Ancien Testament sont classés dans un ordre canonique différent. Le livre de Ruth suit immédiatement le livre des Proverbes. Ruth y incarne le genre de femme que le roi Lemuel dit à son fils de chercher à la fin des Proverbes.

En effet, en voyant sa fidélité à sa belle-mère Noémi et à l’Éternel, Boaz appelle Ruth une eshet chayil. Mais ce qui est remarquable dans ce titre, c’est qu’à l’époque où un tel honneur lui est accordé, Ruth n’est ni épouse ni mère – ce qui est le summum de la féminité pieuse inscrite dans une grande partie des Églises évangéliques aujourd’hui.

De plus, elle n’est pas une propriétaire de terre riche avec une maison pleine de serviteurs à surveiller (comme la femme du Proverbe 31). Elle est veuve et étrangère en marge de la société. Le texte souligne le courage dont Ruth fait preuve en accompagnant Naomi dans un voyage périlleux vers une terre étrangère sans la protection d’un homme. Il montre également comment elle personnifie l’amour loyal en s’occupant de façon désintéressée de sa belle-mère en deuil.

Célibataire, mariée, sans enfant, veuve, divorcée – aucune n’échappe au mérite d’un tel titre. Cette prise de conscience a certainement élargi ma vision de ce à quoi doit ressembler une femme de Dieu idéale.

4. Il ne doit pas être pris au pied de la lettre

Les proverbes, en tant que genre littéraire, ne doivent pas être pris au pied de la lettre. Il n’existe nulle part de femme « Proverbe 31 » au sens propre du terme, parce qu’il s’agit d’une norme impossible qui est présentée de façon poétique pour inspirer et non pour intimider. Après tout, Salomon a écrit une grande partie du livre des Proverbes tout en échouant lui-même à vivre ce qu’il exposait à son fils – comme mari, comme père, comme roi.

Par exemple, Salomon exhorte son fils à être ravi avec la femme de sa jeunesse (Pr 5.18), mais il échoue en tant que mari en multipliant pour lui-même les femmes et les concubines (1R 11.3). Salomon donne à son fils des instructions sur la sagesse, mais en portant des enfants avec des femmes païennes et en allant à la recherche de dieux étrangers, il échoue également en tant que père (1R 11.1-12). Et Salomon instruit son fils sur la façon d’être un roi sage (Pr 16.12-15), mais à cause de ses choix insensés, l’Éternel fait conspirer ses ennemis contre lui (1R 11.14-40).

Néanmoins, si la lacune spirituelle de Salomon n’a pas empêché le Seigneur de se servir de lui pour écrire des paroles de sagesse pour le peuple de Dieu, alors ses lacunes ne devraient pas être un obstacle à l’appréciation du Proverbe 31 dans son contexte approprié. Cela n’enlève rien à la véracité de ses propos, mais cela les met en perspective.

5. Il personnifie la sagesse

Le contexte littéraire du livre des Proverbes est celui d’un père conseillant son fils sur les deux modes de vie, celui du sage et celui de l’insensé. Sagesse et folie sont personnifiées par deux dames: Dame Sagesse (Pr 1.20-4.9, 8.1-9.12) et Dame Folie (Pr 5.1-7.27, 9.13-18). Lorsque nous arrivons à sa conclusion, nous voyons dans le Proverbe 31 que Dame Sagesse a le dernier mot – le livre des Proverbes conserve son usage de la femme pour personnifier la sagesse. Le Proverbe 31 est donc une dernière description poétique, féminine, de Dame Sagesse, que les hommes comme les femmes doivent rechercher.

6. Il donne une chronologie de vie de la femme vertueuse

Proverbe 31 ne nous montre pas une image statique et unique de la femme idéale. Il offre plutôt des aperçus de la chronologie de sa croissance au cours d’une vie. Voici comment j’en suis venue à comprendre la chronologie de sa vie:

  • vv. 10-12 – Introduction: le C.V. de la femme vertueuse
  • vv. 13-14 – Sa vie avant les enfants: elle est une commerçante prospère qui voyage, rapportant sa nourriture de loin.
  • vv. 15-23 – Sa vie de mère: elle se réveille alors qu’il fait encore nuit et les soins de sa famille et des pauvres occupent la majeure partie de son temps.
  • vv. 24-27 – Sa vie de « nid vide »: Elle retourne à son ancienne profession de commerçante prospère.
  • vv. 28-30 – Conclusion: Éloge de la femme vertueuse.[3]

Quelle joie de savoir que notre critère de sainteté est Christ, et non la femme vertueuse du Proverbe 31. Elle n’était peut-être pas réelle, mais Jésus l’est. Et nous avons quatre récits de sa vie comme modèle, et non une seule section d’un chapitre du livre des Proverbes.

Visons plus haut, mes chères sœurs, fixons nos regards sur notre Sauveur, et cherchons à être conformes à son image et à aucune autre.

[1] Van Leeuwen, Raymond C. “The Book of Proverbs,” New Interpreter’s Bible, vol. 5 (Nashville: Abingdon Press), 1997, pp. 261-3.
[2] Waltke, Bruce K. “The Book of Proverbs,” (Grand Rapids, Mich.: Eerdmans, 2005), 516, 526.
[3] Je suis reconnaissante envers Monique Saulnier, directrice des ministères féminins de l’Association des Églises Baptistes Évangéliques du Québec, pour ces idées, tirées d’un cours qu’elle a donné.


Découvrez l’épisode de notre podcast, en lien avec cet article:

Article publié en 2020, republié le 28 juin 2022 avec quelques points un peu plus approfondis.

Angie Velasquez Thornton

En équipe avec son mari Daniel, Angie a servi le Seigneur au Sénégal pendant 10 ans, dans la formation des leaders. Installés à Montréal avec leurs 2 filles depuis août 2017, ils servent à l'Église Baptiste Évangélique Emmanuel et dans l'AEBEQ. Angie est titulaire d'un MDiv de Moody Theological Seminary. Depuis mai 2021, elle coanime le podcast Chrétienne, avec Aurélie Bricaud. Elle est également Responsable du ministère féminin de SOLA (TGC Québec) et blogueuse sur le site The Gospel Coalition Canada.

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