Des leaders disciplinés, prêts à discipliner

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La semaine passée, je parlais d’une application tirée de Néhémie 5 nous concernant tous: le renoncement à soi. Cette semaine, je m’adresse plus particulièrement, sur le même sujet, aux responsables d’Églises. Chers frères et soeurs, le format de cet article va avec votre disponibilité. Je vais droit au but parce que vous n’avez certainement pas le temps de lire en détails: laissez moi semer ces pensées pour nous encourager à promouvoir l’intégrité dans nos Églises, en montrant l’exemple par nos propres vies.

Je discute de plus en plus souvent avec des chrétiens qui regrettent notre manque d’investissement dans la discipline d’Église. Cet article n’a pas la vocation de défendre sa nécessité, il la prend pour acquise. Traitons plutôt de notre manque d’amour qui se manifeste soit (1)en esquivant la discipline d’Église, soit (2)en étant rudes et blessants.

1. Pour ceux qui manquent d’amour en laissant les choses courir (Néhémie 5.14-19)

L’attitude de Néhémie m’a vraiment encouragé dans ce chapitre. 

  • Néhémie fait face à une situation difficile de division, après ce qui n’est plus qu’un semblant d’unité (Ne 3). Ses sentiments nous font trop souvent défaut (Ne 5.6,7): il est « très irrité » et déterminé à agir, parce que le peuple désobéit à la Loi (Lev 25.36) du Dieu qu’il craint plus que tout. Ce que l’on pourrait penser de lui ou ce qui pourrait lui arriver passe au second plan.
  • Néhémie va au devant de la situation, seul contre tous; seul contre les plus puissants et les plus riches, n’hésitant pas à engager une discussion tendue qu’on examinera dans notre 2e point. Enfin, seul, pas si sûr… on se rend vite compte que son diagnostic s’appuie sur sa connaissance de la Parole.
  • Mais l’argument décisif de Néhémie (Ne 5.14-19), c’est sa propre attitude. Il fait preuve d’une intégrité remarquable au milieu de sa difficile mission de guider le peuple.

C’est, je pense, le plus souvent ce qui nous fait défaut. Nous avons tendance à laisser le fruit pourrir parce que nous savons pertinemment que nous ne sommes pas nous-mêmes irréprochables (alors qu’on devrait l’être: 1Tim 3.2!). Frères et sœurs responsables, appliquons à nous-mêmes et en premier lieu la discipline qui fortifiera le reste du corps. Comme le dit un pasteur qui m’est cher : « l’Église n’ira pas plus loin que ses responsables »… à méditer.

Proposition de solution: la veille (et une lecture)

Le constat est facile à dresser, mais la solution plus ardue à trouver. Je vous propose une idée. J’aime l’appeler « la veille ». Certains l’appelleraient redevabilité, ou mentorat. Peu importe (même si la première terminologie a le mérite de revenir à ce qui a toujours existé). La veille a toujours été pratiquée par les pasteurs qui nous ont précédés, comme en écho à la vie d’Église décrite dans le Nouveau Testament (Heb 10.24). Avant d’être des pasteurs, ils se sont considérés comme des chrétiens. Mais des chrétiens exemplaires (Gal 6.1). Richard Baxter, par exemple, en parle dans le premier chapitre de son ouvrage Le pasteur chrétien. Il y développe la nature et les motifs de cette veille.

Paradoxalement, la veille est un élément incontournable et central de nos services dans l’Église. Mais nos emplois du temps ne lui rendent pas toujours hommage. Alors, opérons des coupes radicales dans nos nombreuses activités secondaires pour favoriser cette activité qui devrait nous prendre 2 à 3 heures par semaine. Soyons ces hommes, comme le frère de Néhémie (Ne 7.2) « intègres et craignant Dieu plus que beaucoup d’autres », si nous ne voulons pas prendre le risque de manquer d’amour dans des situations qui déshonorent le divin Berger (Ne 5.9).

2. Pour ceux qui manquent d’amour en étant rudes et blessants (5.1-13)

Revenons-en au début du chapitre, qui nous révèle un autre élément important de l’attitude exemplaire de Néhémie. Certains d’entre nous pourraient se considérer comme des champions de la discipline. J’ai tendance à dire que si on doit en arriver à une discipline corrective, c’est que nous avons déjà échoué dans notre mission de prévention. Non, nous ne sommes pas des champions.

Observez bien les sentiments forts de Néhémie, son approche est plutôt surprenante. Je ne la commente qu’en quelques mots. Loin de lui l’idée de provoquer un conflit frontal, de prendre pour excuse l’atteinte faite à l’honneur de Dieu; il a le désir de gagner ses auditeurs fautifs avec:

  • le constat réfléchi de la situation dans son ensemble (Ne 5.1-6)
  • une première approche prudente pour dire la vérité (Ne 5.7), montrer l’absurdité de la situation (Ne 5.8), approche qui laisse place à un silence de mort, traduisant la honte et la culpabilité des concernés
  • un appel à un comportement juste, en accord avec la volonté de Dieu, et une démonstration des enjeux en cours (Ne 5.9); Néhémie use de tous les arguments possibles, mais ne laisse pas les fautifs dans leur état
  •  une proposition (radicale et coûteuse, c’est le cas de le dire) de réparation de l’offense (Ne 5.10,11); Néhémie n’est pas dupe: la vraie repentance ne peut se réduire à un simple moment de silence ou de regret; c’est un demi-tour complet, il ose le proposer
  • C’est seulement après tout cela, au verset 13 que, au paroxysme de cette discussion, Néhémie propose une petite saynète prophétique qui fait froid dans le dos.

La question qui nous met en mouvement pour imiter une telle attitude est la suivante : puis-je avoir ces attentes envers les autres, quand j’examine ma propre vie ?

Reflet de l’attitude parfaite

Rappelons-nous, pour finir, que la croix est le reflet de l’attitude parfaite de Dieu en matière de justice. Le Seigneur Jésus a pris le péché très au sérieux. Il en a payé le prix fort et ne s’est jamais tu quand il s’agissait de dire la vérité. Face à la gravité du péché, il estimait préférable de se couper un membre plutôt que de se perdre. Mais la croix, l’endroit où le péché est le plus pris au sérieux, est aussi l’endroit où la compassion s’exprime le plus parfaitement. L’endroit où la colère juste de Dieu s’abat sur un autre pour nous donner la vie. Notre service pour l’Église de Jésus reflète la croix. Appuyons-nous sur l’Évangile pour ne tomber ni dans le laxisme ni dans l’autoritarisme.

PS: Si vous m’avez trouvé rude dans ce petit billet, pardonnez-moi sincèrement. Mais n’en faites pas une excuse pour ne pas le méditer. Je vous souhaite toute la joie d’une Église locale disciplinée et la paix dans votre conscience de leader discipliné

Franck Godin

Disciple de Jésus, Franck le sert à l’Église Protestante Les Deux Rives, à Toulouse. Il est marié à Flavie, ils ont 5 enfants.

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