Un regard sur la femme la plus puissante de l'histoire moderne

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J'ai récemment fini de lire la biographie intitulée The Chancellor: The Remarkable Odyssey of Angela Merkel et j'ai été stupéfaite par sa vie sans pareille. Et malgré mes études universitaires en politique internationale, je dois avouer que, dans le plus pur esprit isolationniste des Américains, je ne savais que très peu de choses sur cette femme impressionnante. Mon seul réconfort est que lorsqu'une jeune Allemande est venue chez nous récemment pour un repas et que je lui ai demandé de me parler de son ancienne chef d'État, elle a admis qu'elle-même en savait très peu.

Pour être claire, je ne prétends pas être un expert de la vie et de l’héritage d’Angela Merkel. Mon objectif n’est pas non plus de nature politique. Je trouve simplement son histoire fascinante et sa personne et ses contributions dignes d’intérêt. D’autant plus qu’elle est une source d’inspiration pour les femmes du monde entier à l’occasion de la Journée internationale de la femme.

Une fille de pasteur dans l’Allemagne de l’Est communiste

Angela Dorothea est née à Hambourg le 17 juillet 1954, de Horst et Herlinda Kasner. Son père est un pasteur luthérien, dont la dévotion à Dieu l’amène à répondre à un appel à exercer un ministère dans une église d’Allemagne de l’Est. C’est un grand sacrifice de sa part, car à cette époque la plupart des familles qui déménagent le font dans la direction opposée. Leur vie relativement confortable à l’Ouest fait place à l’austérité commune à l’Est. Lorsqu’Angela a 7 ans, le mur de Berlin est érigé et, du jour au lendemain, sa famille se retrouve prisonnière d’un État communiste où les pasteurs sont considérés comme des bourgeois et sont regardés avec suspicion.

La physicienne 

Le pasteur Kasner est un homme rigide, qui impose un régime exigeant à sa fille. Elle excelle dans ses études et choisit rapidement la vie de scientifique, car une carrière en politique ne l’attire guère, compte tenu de la corruption de l’État de surveillance dans lequel elle vit. Pendant ses études, elle apprend le russe couramment et obtient son doctorat en physique. 

Du laboratoire au leadership

Tout change pour la scientifique accomplie lorsque le mur de Berlin s’effondre le 9 novembre 1989. Sa liberté retrouvée la conduit bientôt à l’Ouest, où elle délaisse le laboratoire pour une vie au service de la reconstruction de l’Allemagne récemment réunifiée. Et puisqu’elle n’a pas été mêlée à la politique sous le communisme, elle n’a pas d’antécédents de corruption ou de collaboration avec l’ancien régime oppressif. On ne peut pas en dire autant de la plupart des anciens dirigeants communistes en herbe qui ne se réfugieront pas en Russie après l’effondrement de la République démocratique allemande. 

Son ascension au pouvoir

En tant que femme et allemande de l’Est, elle occupe une position unique dans la reconstruction du nouvel État-nation. Son ascension est rapide: 

  • En décembre 1990, elle est élue au Bundestag (Parlement allemand).
  • En 1991, elle devient ministre des femmes et de la jeunesse.
  • En 1994, elle est nommée ministre de l’environnement.
  • En 2000, elle devient la première femme présidente de son parti politique (Union chrétienne-démocrate). 
  • Enfin, le 22 novembre 2005, Angela Merkel prête serment en tant que première femme chancelière d’Allemagne. Elle occupera ce poste pendant 16 ans. 

Son influence sur la scène mondiale

En tant que dirigeante du pays le plus peuplé de l’Union européenne, elle exerce son pouvoir bien au-delà de son propre pays. Cela s’explique notamment par le fait que le gouvernement décentralisé de l’Allemagne distribue beaucoup de pouvoir de sa chancelière aux 16 États; une mesure destinée, en partie, à empêcher la montée d’un autre despote semblable à Adolph Hitler. Elle entretient une relation forte avec ses homologues français, alliés essentiels pour assurer la stabilité et la croissance économique de l’UE.

Sa profonde admiration pour les États-Unis et le rôle essentiel qu’ils ont joué dans la chute du mur et dans l’unification de sa nation l’amènent à déployer de grands efforts pour unifier les démocraties occidentales autour de leurs convictions fondamentales quant à la règle de droit. Sa compréhension intime de la langue et de la vision du monde russes lui permet de négocier avec Vladimir Poutine pour l’Union européenne avec plus de compétence que tout autre chef d’État européen.

Des leçons de la vie d’Angela Merkel

Le temps ne me permet pas d’entrer dans le détail des contributions de cette femme remarquable sur la scène mondiale. Je tiens à préciser que je n’approuve pas tous ses choix de vie et que je ne pense pas qu’Angela Merkel soit une chrétienne évangélique. Mais je crois qu’elle porte l’image de Dieu, qu’elle est bénéficiaire de la grâce commune et que ses années de service à sa nation et au monde valent la peine d’être considérées par ceux qui suivent Jésus-Christ. Voici quelques leçons que j’ai apprises en lisant son histoire singulière:

L’humilité

Elle est connue pour son caractère discret. Alors que sa carrière politique touche à sa fin, un journaliste demande à Mme Merkel quel sera, selon elle, son héritage. « Elle a essayé », répond-elle d’un ton effacé. Oh, si ce genre d’humilité pouvait nous caractériser en tant qu’enfants de notre doux et humble Roi-Serviteur!

La compassion

Lorsque la guerre, la famine et les bouleversements au Moyen-Orient provoquent une crise des réfugiés en 2015, Angela Merkel n’endurci pas son cœur à l’égard des plus démunis. Elle ouvre ses frontières à un million de réfugiés, bien plus que tout autre pays d’Europe occidentale. Inspirés par l’engagement de leur leader envers les personnes confrontées à des circonstances aussi désespérées, d’innombrables Allemands ouvrent leur cœur et leur communauté pour les accueillir. Quelle que soit notre opinion sur l’immigration, en tant que peuple de Christ, nous avons beaucoup à apprendre de sa générosité envers les nécessiteux. 

L’endurance

Lorsqu’on lui demande quelle est la qualité singulière qui l’a soutenue pendant ses 16 années de mandat, elle répond d’un seul mot: « L’endurance ». Elle a un engagement infatigable à négocier, à réunir les parties divergentes. Cela lui coûte de nombreuses nuits blanches, se réunissant avec les dirigeants du monde entier pour négocier des accords qui se prolongent tard dans la nuit. Cette ténacité face à des points de vue opposés pourrait nous servir en tant que croyants. Combien de scissions inutiles d’Églises auraient pu être évitées si l’on avait négocié davantage et moins forcé les choses? 

Assumer son histoire

En grandissant en Allemagne de l’Est, Angela Merkel apprend le faux récit selon lequel les plus grandes victimes d’Hitler étaient des communistes et non des Juifs. Ce n’est qu’après avoir déménagé à l’Ouest qu’elle découvre l’ampleur du génocide qui a eu lieu sur le sol allemand. Cela l’amène à s’engager farouchement en faveur de la sécurité de l’État d’Israël et à assumer la dette de son pays envers le peuple juif.

En tant que croyants, nous ferions bien aussi d’assumer les péchés de nos ancêtres, surtout ceux commis au nom de Christ. Cela a un précédent dans les Écritures, comme le montre Néhémie 1, dans lequel le dirigeant post-exilique confesse les péchés de ses ancêtres qui les ont conduits en exil, comme s’il les avait lui-même commis.

La simplicité

Le jour où Angela Merkel a quitté ses fonctions, aucune caravane de déménageurs n’est nécessaire. Elle n’a jamais vécu dans un palais. Au lieu de cela, elle choisit de rester dans le même appartement utilitaire qu’elle et son mari occupent depuis des années. Ils n’ont pas de femme de ménage. Elle fait leurs courses. Il fait leur lessive.

Pour les croyants, je ne veux pas dire que ce point est un réquisitoire contre les services de nettoyage et les blanchisseries. Je crois plutôt que nous pouvons nous inspirer d’une femme qui n’a pas laissé les pièges de la célébrité et du pouvoir l’empêcher de rester ancrée dans la vie quotidienne. En obéissant au commandement de Christ, nous pouvons investir nos ressources matérielles d’une manière qui nous permette d’amasser des trésors dans le ciel (Mt 6.19-21). 

Le devoir

On a dit que cette fille de pasteur luthérien est motivée par le devoir et non par la soif de pouvoir. Par conséquent, sa position ne devient jamais son identité. Son biographe déclare: « Le narcotique du pouvoir ne lui manquera pas, n’ayant jamais respiré son parfum. » Elle n’est pas une démagogue, soulevant le public avec des discours enflammés. Au contraire, elle est connue pour être une oratrice sèche, voire ennuyeuse. Angela Merkel semblait presque être provoquée par les leaders charmants, charismatiques et tape-à-l’œil, car ils lui rappellent Adolf Hitler et le pouvoir qu’il a exercé avec l’usage de sa langue.

Pour ceux d’entre nous qui ont des dons d’orateur et de dirigeant, cela peut aussi servir d’inspiration. Que notre devoir de prendre soin des âmes que Christ nous a confiées éclipse toute ambition malsaine dont nous pourrions nous nourrir. Et que nous n’utilisions jamais nos paroles pour manipuler, mais seulement pour dire ce qui est vrai dans l’amour.

Conclusion

En parlant de ses années formatrices sous Merkel, mon amie allemande dit ce qui suit: « Je considérais comme acquis qu’une femme puisse être chancelière. Cela semblait être la chose la plus naturelle du monde. Il a fallu que je vienne en Amérique du Nord pour me rendre compte à quel point c’est rare. » Ainsi, si Angela Merkel incarne de nombreux attributs que nous pouvons admirer en elle, la plus grande leçon de sa vie est peut-être qu’elle a inspiré une génération de filles dans le monde entier à poursuivre leurs rêves, car elles aussi ont été dotées par leur Créateur de dons qui pourraient changer le monde.

Angie Velasquez Thornton

En équipe avec son mari Daniel, Angie a servi le Seigneur au Sénégal pendant 10 ans, dans la formation des leaders. Installés à Montréal avec leurs 2 filles depuis août 2017, ils servent à l'Église Baptiste Évangélique Emmanuel et dans l'AEBEQ. Angie est titulaire d'un MDiv de Moody Theological Seminary. Depuis mai 2021, elle coanime le podcast Chrétienne, avec Aurélie Bricaud. Elle est également Responsable du ministère féminin de SOLA (TGC Québec) et blogueuse sur le site The Gospel Coalition Canada.

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Orateurs

F. Varak et T. Le Gall